L’utilisation d’outils pour l’aménagement, l’acquisition et la gestion responsables des terres est indispensable à la protection des écosystèmes naturels et des droits humains sur les chaînes d’approvisionnement. Cet article condense certains des principaux outils en mesure d’aider les entreprises à instaurer des mécanismes pour une production responsable, conformément aux Principes de base n°1, 2, 7, 8 et 9 du Dispositif d’application du principe de responsabilité.
L’approche Haut Stock de Carbone (HSC)
L’approche Haut Stock de Carbone (HSC) est une méthodologie pour l’aménagement intégré des territoires, aidant les entreprises à identifier les forêts naturelles (conformément à la définition qu’en donne l’AFi) ainsi qu’à élaborer des mesures visant à les protéger. Cette approche consiste en un processus en plusieurs étapes avec l’aménagement spatial et écologique des sites, l’aménagement participatif des terres, l’impact environnemental et social de l’aménagement réalisé et d’autres types d’évaluations pertinentes. Les entreprises peuvent utiliser l’approche HSC pour favoriser l’acquisition et la construction responsables des sites ainsi que la gestion responsable des terres.
La méthodologie HSC s’applique à tout type de produit de base, quel que soit le type de forêt tropicale humide concernée. En plus de porter sur les forêts naturelles, l’approche HSC inclut également d’autres écosystèmes naturels que l’on peut trouver dans les forêts tropicales humides. Il s’agit notamment des tourbières de diverses profondeurs ainsi que des zones à Haute Valeur de Conservation (HVC) telles que les zones ripariennes. À ce jour, l’approche HSC ne s’applique pas aux paysages en dehors des forêts tropicales humides et ne permet donc pas d’inclure la question de la « zéro conversion » (Principe de base n°1.2 du Dispositif) dans la gestion d’autres écosystèmes comme les prairies et les savanes.
L’approche HSC inclut en revanche des exigences sociales alignées sur les Principes de base du Dispositif d’application du principe de responsabilité, vis-à-vis notamment du respect des droits des Peuples autochtones, des communautés locales et des travailleurs. La méthodologie HSC pour l’élaboration d’un Programme de conservation intégrée et d’aménagement des territoires (ICLUP), contribue à mettre davantage en pratique ces principes.
Les Directives de l’approche HSC pour la Restauration et la Réparation présentent les principes et critères permettant d’opérer une restauration écologique et d’octroyer une réparation sociale dans les cas où des forêts à HSC ou des zones à HVC, des tourbières ou des territoires communautaires, ont été défrichés ou dégradés en dépit des exigences ou processus de l’approche HSC en place. Les directives pour la restauration et la réparation sont rigoureusement alignées sur le Principe de base n°9 du Dispositif d’application du principe de responsabilité.
L’approche à Hautes Valeurs de Conservation (HVC)
L’approche à Hautes Valeurs de Conservation est une méthodologie permettant d’identifier, de protéger et d’assurer le suivi des valeurs biologiques, écologiques, sociales et culturelles à signification particulière ou d’une importance critique. Il existe six catégories de HVC :
- HVC 1 : Concentrations de diversité biologique incluant des espèces endémiques et des espèces rares, menacées ou en danger d’extinction qui sont importantes aux niveaux nationaux, régionaux ou mondiaux.
- HVC 2 : Paysages de forêts intactes, vastes écosystèmes à l’échelle du paysage et mosaïques d’écosystèmes qui sont importants au niveaux nationaux, régionaux ou mondiaux, et qui contiennent des populations viables de la grande majorité des espèces naturellement présentes avec des caractéristiques naturelles de répartition et d’abondance.
- HVC 3 : Écosystèmes, habitats ou refuges rares, menacés ou en danger.
- HVC 4 : Services écosystémiques de base en situation critique, incluant la protection des bassins hydrographiques et le contrôle de l’érosion des sols et pentes vulnérables.
- HVC 5 : Sites et ressources fondamentales pour satisfaire les nécessités basiques des communautés locales ou des peuples autochtones (pour les moyens de subsistance, la santé, la nutrition, l’eau, etc.) identifiées via une implication de ces communautés ou populations autochtones.
- HVC 6 : Sites, ressources, habitats et paysages d’importance historique, archéologique ou culturelle nationale ou mondiale et/ou d'importance critique religieuse/sacrée, économique, écologique ou culturelle pour les cultures traditionnelles des communautés locales et des Peuples autochtones identifiés via une implication de ces communautés locales ou Peuples autochtones.
L’approche à HVC est considérablement utilisée dans les programmes de certification, les orientations publiées par des groupes industriels et organisations multipartites, les engagements des entreprises, les politiques d’investissement ainsi que dans les priorités pour la conservation définies par les ONG et gouvernements.
Les entreprises peuvent utiliser l’approche à HVC pour appliquer les différents objectifs du Dispositif d’application du principe de responsabilité, y compris :
Protection des forêts et des autres écosystèmes naturels (Principe de base n°1)
Étant donné qu’il y a généralement un chevauchement considérable entre certaines zones qui présentent des HVC et des zones de forêt naturelle ou d’autres écosystèmes naturels dont il est question dans le Principe de base n°1, les entreprises sont en mesure d’appliquer l’approche à HVC en tant que méthodologie structurée pour protéger, restaurer et surveiller les valeurs de conservation des écosystèmes naturels dans les paysages de production. Lorsqu’elle est associée à des méthodologies qui permettent d’identifier les zones, au regard des politiques zéro déforestation et zéro conversion en vigueur, ne devraient pas être converties, l’approche à HVC peut faire partie d’une approche holistique pour la protection des valeurs de conservation à l’intérieur mais aussi autour des écosystèmes naturels. Par exemple, l’approche à HVC est incluse dans l’approche Haut Stockage de Carbone (HSC) afin de proposer un processus global pour l’application des engagements zéro déforestation tout en protégeant et en gérant les valeurs de conservation mais aussi les droits et les moyens de subsistance des Peuples autochtones et communautés locales vivant dans les régions à forêt tropicale humide.
Respect des droits des Peuples autochtones et des communautés locales (Principe de base n°2)
Les entreprises peuvent utiliser l’approche à HVC pour orienter leurs actions vers le respect des droits des Peuples autochtones et communautés locales de manière s’assurer d’une cohérence avec les Principes de base 2.1 et 2.2 du Dispositif d’application du principe de responsabilité. L’approche à HVC comporte trois catégories de HVC dites « sociales ». Avant toute activité de l’entreprise susceptible d’avoir un impact négatif sur les terres, les ressources ou les moyens de subsistance des Peuples autochtones et communautés locales, l’approche à HVC nécessite l’utilisation de plusieurs approches participatives avec les parties prenantes impactées, suite à quoi leur consentement libre, informé et préalable (CLIP) devra être recueilli.
Aménagement, gestion et protection à long terme des sites (Principes de base n°7, 8 et 9)
Les entreprises peuvent utiliser l’approche à HVC pour orienter la protection et la gestion des forêts et d’autres écosystèmes naturels en lien avec leurs unités de production, de façon à s’aligner sur les Principes de base n°7 et n°8 du Dispositif d’application du principe de responsabilité. L’application de l’approche à HVC au niveau des paysages fournit quant à elle un appui aux entreprises dans l’évaluation des risques éventuels de leurs activités en ce qui concerne les HVC. Cette application oriente les entreprises sur l’implantation de nouveaux sites de production de façon à ce qu’ils permettent la protection des HVC. Les évaluations sur le terrain des HVC peuvent orienter la protection, la gestion et le suivi efficaces des HVC identifiées.
L’approche à HVC peut également aider les entreprises à identifier les zones dans lesquelles les forêts naturelles et autres écosystèmes naturels ont été détruits ou dégradés, orientant ainsi leurs actions pour la restauration des zones en question, conformément au Principe de base n°5 du Dispositif d’application du principe de responsabilité.
Collaboration pour la durabilité paysagère et sectorielle (Principe de base n°10)
L’application de l’approche à HVC au niveau des paysages peut aider à bâtir le consensus et la collaboration des différentes parties prenantes en ce qui concerne la détermination de l’utilisation des terres, la protection des écosystèmes naturels et des autres zones comportant des HVC, ainsi que la gestion des unités de production et des écosystèmes naturels pour protéger les valeurs écologiques, sociales et culturelles à travers l’ensemble du paysage concerné.
Outils pour l’application des mécanismes de CLIP
Le consentement libre, informé et préalable (CLIP) est un mécanisme veillant au respect des droits des Peuples autochtones et des communautés locales, au regard des décisions susceptibles d’avoir un impact sur leurs terres, leurs territoires ou leurs moyens de subsistance. Les entreprises doivent mettre en place des mécanismes de CLIP et respecter l’issue des échanges, dès lors que les activités de l’entreprise sont susceptibles de compromettre les droits des Peuples autochtones et des communautés locales. Ces activités incluent l’acquisition, l’aménagement et la gestion des terres. Les mécanismes de CLIP peuvent s’avérer complexes et, s’ils ne sont pas correctement menés, risquent de ne pas remplir leur but premier. Il est par conséquent indispensable que les entreprises appliquent les orientations et bonnes pratiques reconnues.
La Section 3 du document « Directives opérationnelles relatives au consentement libre, informé et préalable » inclut une liste des ressources permettant de mettre en application les mécanismes de CLIP. Les entreprises sont par ailleurs incitées à se procurer des orientations relatives au CLIP et d’autres ressources techniques adaptées aux circonstances spécifiques de leurs activités.
Outils pour le plein respect des droits des travailleurs
De nombreuses ressources sont disponibles pour orienter la mise en œuvre de pratiques professionnelles responsables dans les activités de production ou de transformation des matières premières, conformément au Principe de base n°2 (Respect des droits humains) figurant dans le Dispositif d’application du principe de responsabilité. Étant donné que la nature des bonnes pratiques à appliquer est susceptible de varier en fonction du contexte, la plupart des outils les plus utiles se concentrent sur un seul produit ou droit en particulier (ex : l’embauche responsable, l’absence de travail des enfants, l’absence de discrimination, etc.). Il est recommandé aux entreprises d’utiliser des outils adaptés aux spécificités de leurs activités ainsi qu’aux défis auxquels elles sont confrontées en matière de droits des travailleurs. Les Directives opérationnelles de l’AFi sur les droits des travailleurs constituent un bon point de départ car elles répertorient des outils et organisations en mesure de les aider à respecter les droits de leurs travailleurs.